Sept jours au Tibet
Le samedi 20 octobre au matin, nous embarquons sur un vol à destination de Lhassa au Tibet. A l'origine, nous devions partir par voie terrestre et revenir en avion mais la frontière chinoise n'est toujours pas ouverte ce qui nous oblige à effectuer le voyage dans l'autre sens : normalement, les choses devraient s'arranger pour notre retour. La formule initiale nous aurait permis de prolonger notre séjour de 3 jours à Lhassa mais nous ne pouvons finalement rester que huit jours, vu le sens du circuit. Nous devons donc voyager en groupe. Nous sommes 17 personnes, d'un peu tous les âges et toutes les nationalités.
Le trajet en avion n'est pas bien long. C'est presque dommage : nous sommes en "business class" (sans trop savoir pourquoi) et la vue sur l'Himalaya est splendide. On n'a pas tous les jours l'occasion d'admirer l'Everest, et encore moins de le regarder d'en haut !!
Après les formalités d'immigration et de douane à l'aéroport de Lhassa, nous nous étonnons de voir nos bagages passés au scanner. Que peuvent-ils bien chercher alors que nous sommes sur le point de quitter l'aéroport ? Nous avons rapidement la réponse : ce qui intéresse les douaniers chinois, ce sont... les livres ! Les volumes que nous transportons sont inspectés avant de nous être rendus. Par contre les détenteurs du Lonely Planet sur le Tibet récupèrent leur exemplaire amputé de la première page. L'explication est logique, l'ouvrage est préfacé par le Dalaï-Lama ! Ca met tout de suite dans l'ambiance !
A la sortie, nous sommes attendus par celui qui sera notre guide pendant toute la durée du séjour. A première vue, ce n'est pas un génie de la communication. Il nous distille les informations au compte-gouttes et a la fâcheuse tendance à changer de discours en changeant d'interlocuteur, y compris sur des sujets aussi simples que l'heure du départ du lendemain matin. Voilà qui ne va pas faciliter les choses.
Qu'importe, nous partons nous promener dans Lhassa pour un premier contact avec la culture tibétaine. Ce qui frappe tout de suite, c'est la ferveur religieuse autour des principaux lieux de culte de la ville. Autour du temple du Jokhang qui abrite l'effigie de Bouddha la plus sacrée du pays, les fidèles se pressent pour entrer ou effectuer le pèlerinage qui le contourne. Nombre d'entre eux se prosternent devant l'entrée en signe de respect.
Cette introduction à Lhassa est merveilleuse car nous pouvons observer des pèlerins venus des quatre coins du Tibet devant le temple. La diversité du pays saute aux yeux : visages et vêtements sont très différents d'une personne à une autre. En plus la belle lumière de cette fin d'après-midi éclaire la scène. On voudrait que cela dure des heures !
Le soir venu, pour nous mettre un peu plus dans l'ambiance, nous goûtons aux spécialités tibétaines. Si les momos, sortes de raviolis vapeur, sont plutôt bons, on ne peut pas en dire autant du thé tibétain. Il s'agit d'un breuvage très salé au beurre de yack. C'est fort, écœurant et vraiment infect !!! Pour fêter l'anniversaire de Florence le dimanche soir, on choisira plutôt de la " Lhasa beer " ! Pourtant, ce ne sont pas les étalages de beurre qui manqueraient sur les marchés si on décidait d'en ramener en souvenir...
Les deux jours suivants sont consacrés à la visite en groupe de Lhassa et de ses environs. Nous pouvons ainsi admirer le célèbre Potala, autrefois résidence des Dalaï-Lamas et siège du gouvernement tibétain. Aujourd'hui c'est le drapeau chinois qui flotte sur le palais...
Le lieu a malgré tout gardé toute sa splendeur, les Chinois n'ont jamais osé attaquer directement ce symbole tibétain. La visite nous permet de contempler nombre de statues et objets sacrés richement décorés. C'est très beau même si une odeur de beurre de yack flotte dans toutes les salles. De grandes vasques remplies de cette matière grasse servent en effet à éclairer les différentes pièces. Les pèlerins se promènent d'ailleurs sac de beurre à la main et en distillent au fur et à mesure dans ces récipients. C'est l'offrande la plus populaire ici.
Des derniers étages, la vue de la ville permet de se rendre compte qu'il ne reste plus grand-chose du vieux Lhassa. Partout, on voit que des quartiers entiers ont été rasés pour permettre de percer d'énormes avenues à la chinoise ou aménager de grandes esplanades.
Sur le programme remis par notre agence à Katmandou, nous devions visiter le monastère de Drépung, un des plus grands et des plus importants du Tibet situé à quelques kilomètres de Lhassa. La veille, nous apprenons pourtant que la visite n'aura pas lieu. Motif officiel, le monastère est " en travaux ". En insistant un peu, nous obtenons une toute autre explication. Sa Sainteté le Dalaï-Lama a été récemment distinguée par le Congrès américain, ce qui a provoqué des manifestations de joie chez les moines hostiles à l'occupation chinoise. En signe de représailles et pour prévenir toute revendication d'indépendance du Tibet devant des touristes, les religieux sont consignés dans leur monastère qui est entouré par l'armée et la route est bloquée. Il va sans dire que dans la presse locale, l'attribution d'une médaille d'or à un " activiste politique qui sous un camouflage religieux fomente des activités sécessionnistes destinées à déstabiliser la démocratie chinoise " est vivement condamnée...
Nous avions voyagé en Chine au printemps 2006 et à aucun moment nous n'avions vraiment ressenti le poids de la machine d'état. Ici, on sent que la pression militaire est permanente. On nous donne également une autre raison sur la fermeture de la frontière népalaise : un drapeau tibétain aurait été planté sur la face nord de l'Everest ce qui aurait déclenché l'ire des autorités chinoises... Il est très difficile de démêler le vrai du faux dans tout ce qu'on nous raconte. Nous nous demandons en permanence si la vérité n'est pas ailleurs...
Il reste cependant assez de belles choses à visiter à Lhassa et notamment d'autres lieux de culte auxquels l'accès est possible. Nous tombons ainsi par hasard sur une cérémonie dans un petit temple de la capitale. Nous restons quelques minutes écouter les chants des moines dans un coin de la pièce. Nous ne comprenons pas les gestes ni les symboles mais nous sommes transportés par leur voix très graves.
Dans un autre monastère, nous assistons à des débats théologiques où les moines s'opposent pour tester leur connaissance des textes sacrés et leur sens de la répartie. Si certains ont l'air de s'ennuyer ferme, d'autres semblent beaucoup s'amuser !
Le mardi matin, nous prenons la route à travers les hauts plateaux tibétains. Notre but est de rallier Katmandou en jeep en quelques jours en admirant les paysages de la route et en visitant bien sûr quelques monastères. Nous partageons notre véhicule avec un couple de Français, Pierre et Nicole, qui profitent de leur retraite pour enchaîner les vacances et les treks. A leur programme, trois semaines de marche en revenant du Tibet. Avec seulement 12 jours prévus, nous sommes vraiment des petits joueurs.
Le voyage commence mal, nous n'empruntons pas la route prévue qui est fermée pour travaux. Nous parvenons quand même à convaincre le guide de monter en voiture en haut d'un col pour voir le lac de Yamadrok qui ne figure pas sur le nouvel itinéraire même si cela nous oblige à faire ensuite demi-tour pour rejoindre la route ouverte. Les eaux du lac sont turquoises et la vue est magnifique, il aurait été dommage de ne pas voir ça !
Nous réalisons à quel point le haut plateau tibétain est sec et désertique. Nous progressons dans un environnement très minéral.
A Gyangtse et Shigatse, respectivement les troisième et deuxième villes du pays, nous visitons de très beaux monastères et stûpa.
Au-delà de la très belle architecture, ce sont encore les Tibétains venant prier qui nous marquent le plus. Il y a toujours un grand nombre de personnes à effectuer le pèlerinage autour des édifices religieux et c'est un régal de les voir marcher en faisant tourner les grands moulins à prières qui entourent les monastères.
Peu à peu, nous quittons la région des villes et des monastères pour nous rapprocher de la barrière himalayenne. Les cols se font plus hauts, les hébergements plus sommaires et la vue des montagnes devient fantastique.
Un soir, nous avons même droit à un beau coucher de soleil sur l'Everest. Nous y assistons en dégustant une bière achetée pour l'occasion : ce n'est pas tous les jours qu'on prend l'apéro devant la plus haute montagne du monde !
Passer une nuit ici est facile mais on se rend bien compte que la vie des gens sur le plateau tibétain est loin d'être de tout confort. Pour se déplacer ou travailler dans les champs, les animaux sont encore largement mis à contribution.
Finalement, nous atteignons Nyalam, un petit village proche de la frontière népalaise le vendredi 26 dans l'après-midi. Le ciel, jusqu'ici très bleu, est subitement totalement bouché et on ne voit plus les montagnes. Il fait froid et nous décidons d'aller nous réfugier dans un cybercafé chauffé pour prendre des nouvelles du monde. Ca n'est pas chose facile, beaucoup de sites sont censurés et affichent des messages d'erreur. Encore un exemple du contrôle chinois des médias...
Nous aurons une dernière illustration de la situation en passant la frontière. Nous arrivons au poste frontalier de très bonne heure, la route d'accès étant bloquée durant la journée pour travaux (on travaille beaucoup ici).
Vous pouvez voir sur la carte suivante le trajet effectué.
Naturellement, nous devons ensuite patienter jusqu'à l'ouverture du bureau d'immigration pour pouvoir accomplir les formalités de départ. C'est le moment que choisissent deux Russes de notre groupe pour partir se promener du côté du pont-frontière et le passer l'air de rien tout en prenant des photos !
Certes, ça n'était pas très malin de la part de nos compagnons de voyage mais la réaction des autorités chinoises est totalement disproportionnée. Les deux dangereux espions sont arrêtés et placés sous bonne garde pendant qu'on visionne l'intégralité de leurs photos et vidéos ! On ne voit pas bien le problème causé par ces malheureux clichés. Certes les photos de ponts et bâtiments militaires sont interdites mais comme tout ce qu'il y a à voir c'est une cahute plutôt moche et un bout de route, il n'y a vraiment pas de quoi en faire un fromage, fût-il de lait de yack !
Nous patientons donc le temps que les militaires aient fini leur crise d'autorité : comme nous disposons d'un visa collectif, nous devons passer la frontière tous ensemble. Finalement les choses s'arrangent (après paiement d'une amende) et nous pouvons rejoindre le poste-frontière népalais où règne la plus totale anarchie. Ca change !
Désolés, nous n'avons pas de photo illustrant la situation, nous n'avons pas osé sortir l'appareil !
Ce séjour au Tibet nous a plu même si les conditions dans lesquelles nous l'avons effectué étaient loin d'être parfaites. Nous aurions aimé bénéficier de plus de temps, de plus de liberté et pouvoir voyager en indépendant. Nous avons malgré tout pu appréhender un pan de la culture tibétaine et des difficiles conditions de vie dans le pays. Peut-être pourrons-nous revenir un jour et visiter le Tibet dans un contexte différent ?
En attendant, il ne nous reste plus qu'à regagner Katmandou à bord du bus le plus lent du Népal : tout ce qu'il arrive à doubler, ce sont les voitures en panne ! Cela nous donne le temps d'apprécier le paysage. Depuis que nous avons franchi l'Himalaya nous pouvons constater le retour de la végétation, de l'humidité et des couleurs. C'est gai et reposant pour l'œil après le désert des hauts plateaux.
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